Description du projet

JE DISPARAIS

Création en septembre 2017

Un personnage prénommé « MOI » est assise chez elle. Rapidement, cette situation se complique car « MOI » doit quitter cette maison où elle a vécu toute sa vie. Obligée de partir sous une menace extérieure dont on ne saura jamais véritablement la nature (catastrophe naturelle ? guerre civile ? dictature ?) le personnage « MOI » attend son mari, son amie et la fille de son amie pour s’enfuir. Pour tromper l’attente et le sentiment grandissant d’angoisse lors de leur fuite, « MOI », son amie et sa fille s’inventeront d’étranges jeux de rôles.


Intentions

Ce texte est entré en moi comme une vrille: j’ai su à la première lecture que j’avais devant mes yeux un texte profond et qui pendant le temps des répétitions, offrirait un matériau riche à découvrir. Et ce fut le cas. L’auteur postule au tout début du texte que notre empathie, notre compassion a des limites. Que nous sommes très loin de soupçonner ce qu’une personne éprouve dans une situation dramatique. Même si la personne est un proche. Vers la fin du texte, il fait dire à un autre personnage que dans les yeux d’une autre personne, il n’est que ce qu’il dit et ce qu’il fait. Cette personne n’aura jamais accès à sa pensée et vice versa. Le personnage « Moi » vit sous nos yeux une catastrophe: nous la voyons le temps de la pièce perdre tous ses repères et tenter avec les mots de décrire ce cataclysme. Est-ce à cause d’un coup d’état (elle doit quitter sa maison, sa ville, son pays) ou nous raconte-t-elle métaphoriquement le cataclysme d’une rupture avec son compagnon de longue date ? L’auteur brouille et entremêle volontairement ces deux lectures.

Un autre aspect du texte qui m’a donné l’envie de le monter aujourd’hui et pour les spectateurs d’ici:  quand l’auteur fait décrire par ses personnages des situations qui ressemblent à celles que peuvent vivre les migrants, il le fait du point de vue de personnes vivant dans une société loin de la guerre, une société où la sécurité des citoyens n’est pas en péril. Comme nous. Ce point de vue m’apparaît le plus honnête pour parler de situations et d’une culture qu’on ne connait pas. L’auteur est norvégien et il a écrit cette pièce avant que la tragédie d’Utoya n’ait lieu dans son pays.


Mot du programme

J’aime à penser que la fiction a été créée par les premiers êtres humains sur cette terre lorsqu’ils se sont retrouvés devant une nature grandiose et silencieuse, les laissant sans réponse ni explications sur la plus grande question de l’humanité: à quoi sert-il de vivre ? Est-ce cette conscience de notre finalité qui a provoqué les premières fictions, les premières histoires afin de nommer cette angoisse, de donner un sens à ce qui nous dépasse ? Plusieurs philosophes ont creusé cette question et après avoir travaillé cette grande pièce d’Arne Lygre, il m’apparaît incontournable de les lire, moi qui ai décidé de traverser la vie en sculptant des fictions pour les faire vivre sur scène. Devrait-on considérer la fiction comme un besoin primaire de l’humain tel que respirer, boire, manger ? Elle est partout, dans toutes les sphères de nos vies: de notre toute petite enfance au seuil de notre mort. Et pas seulement pour nous évader dans l’imaginaire quand l’ennui ou l’angoisse nous prend ! La fiction nous sert d’appui à l’apprentissage, comme vecteur de transmission d’un savoir, nous ouvre d’autres possibles, d’autres horizons. Elle nous permet le recul nécessaire pour l’analyse de la nature humaine. Arne Lygre nous propose une fiction dans laquelle les personnages vont l’utiliser à différents moments, soit pour relativiser leurs malheurs et y puiser du courage, soit pour mimer les codes et les « gestes » de l’amour, soit pour tenter de transmettre le plus honnêtement possible leur pensée aux spectateurs. Parce qu’après tout, ne sommes-nous pas, nous-mêmes, une fiction pour les uns et les autres ? Un des personnages dit qu’aux yeux des autres nous ne sommes que des mots et des gestes. Tout ce qu’un autre être humain perçoit de nous est ce que l’on dit et ce que l’on fait. Personne n’a véritablement accès à nos pensées. Ce thème traverse toute l’oeuvre de Lygre: notre irréductible solitude. Mais ce même personnage dit également qu’au final, tout ce qui compte c’est être avec un autre être humain. Avec. Donc lui parler, l’écouter, tenter de le comprendre, tenter de se faire comprendre, se mettre à la place de l’autre, le plus possible. Si le « nous » disparaît, le « je » ne peut pas survivre, il disparaît aussi.

Photos : Matthew Fournier

Crédits

Coproduction
Groupe de La Veillée et Coeur battant

Texte
Arne Lygre

Adaptation
Guillaume Corbeil

Mise en scène
Catherine Vidal

Élaboration de l’espace
Marilène Bastien, Pierre Mainville et Catherine Vidal

Costumes
Marilène Bastien

Lumières
François Marceau

Son
Francis Rossignol

Maquillages/coiffure
Angelo Barsetti

Assistance à la mise en scène et régie
Alexandra Sutto

Stagiaire à l’assistance à la mise en scène
Ariane Brière

Interprètes
Marie-France Lambert, Macha Limonchik, Larissa Corriveau, James Hyndman et Marie-Claude Langlois

Date et lieux de présentation

26 septembre au 21 octobre 2017
Théâtre Prospero, Montréal
1er au 4 novembre 2017
Studio Azrieli, Centre National des Arts, Ottawa