Description du projet
L’inframonde
création en mars 2020
L’Inframonde est un nouveau jeu virtuel où l’immersion est totale : tous les sens y sont comblés. On entre, on se choisit une identité et on réalise tous ses fantasmes. Jusqu’au jour où une détective décide d’investiguer cet espace : et si les actes qui y sont commis pouvaient constituer un crime dans le monde réel?
L’Inframonde aborde les questions éthiques soulevées par la présence de plus en plus grande de la réalité virtuelle dans nos vies. Quelle incidence cette technologie a-t-elle sur les relations humaines? Est-ce que la liberté peut être totale dans les espaces virtuels ou doit-on appliquer la même morale que dans le monde réel? Une enquête policière passionnante qui aborde les concepts de liberté et de responsabilité.
La dramaturge américaine Jennifer Haley a été récompensée à plusieurs reprises pour cette œuvre jouée internationalement, dont la création avait lieu en 2013 au Kirk Douglas Theatre en Californie sous le titre original de The Nether. Le Théâtre La Bête humaine, qui présentait Béa de Mick Gordon à La Petite Licorne en 2018, nous revient avec cette pièce traduite par Étienne Lepage et mise en scène par Catherine Vidal.
Mot de la metteuse en scène
L’être humain a toujours eu cette capacité et cette propension à se projeter dans l’imaginaire. Pour apprendre, comme dit Aristote, en observant et en s’identifiant aux êtres de fiction, vivre une catharsis et ainsi purger son âme de ses impuretés. Mais aussi, très souvent, pour se distraire de sa vie morne et insatisfaisante et suspendre son angoisse face à sa mort inévitable.
L’autrice Jennifer Haley nous projette avec sa pièce L’Inframonde dans un futur très proche. La réalité virtuelle s’est sophistiquée au point où les sensations physiques sont en tout point semblables à celles de la réalité. Un personnage de la pièce s’extasie devant ce progrès technologique: « Est-ce que vous vous rendez compte à quel point c’est extraordinaire de pouvoir entrer en relation sans la barrière de nos corps ? C’est aussi radical que la découverte du feu ! » Les humains ont désormais la possibilité de se débarrasser virtuellement de leur enveloppe corporelle encombrante, de choisir une autre image en forme d’avatar. Pour de plus en plus de gens, l’impression est forte d’être enfin ce qu’ils sont réellement. Et puisque cet affranchissement du corps réel offre une nouvelle liberté, pourquoi ne pas créer un monde où la vie est vécue en dehors de toutes conséquences ? Ce ne sont que des images après tout…
C’est la dérive que Jennifer Haley nous pointe avec son texte dystopique. La dérive et le débat qui en découle avec toute sa complexité. En le plaçant dans le contexte révoltant de la pédophilie, son invitation à la réflexion devient urgente, impérative. Mais au final, c’est à l’isolement, à la raréfaction des contacts humains réels qu’elle nous convoque. Dans le far west de l’internet, où la morale et les structures légales sont inexistantes, les carences affectives, les béances relationnelles des adultes de demain pourraient bien devenir un terreau fertile pour les pervers, voyant là des proies et des « acteurs » idéaux pour peupler la mise en scène de leur pathologie criminelle.